Les déserts médicaux : des clés pour comprendre
En France, l'expansion des déserts médicaux découle principalement d’une diminution de la démographie médicale. Ce phénomène s'explique par plusieurs facteurs, dont l'impact du numerus clausus et le grand nombre de départs en retraite de médecins insuffisamment remplacés. Les causes multifactorielles de ce phénomène inédit.
Des chiffres qui révèlent une situation alarmante
D’après l’Atlas de la démographie médicale du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), le nombre de médecins généralistes en exercice régulier a chuté de 11 % depuis 2010, et de 0,9 % sur la dernière année recensée, au 1er janvier 2022. Cela représente 84 133 médecins généralistes, soit une perte de 10 128 en 12 ans. Cette situation est d’autant plus inquiétante que beaucoup de praticiens arrivent à l’âge de la retraite, sans qu'il y ait assez de nouvelles recrues pour assurer la relève.
Une tendance qui risque de se prolonger
Cette baisse devrait se poursuivre au cours des dix prochaines années. Le Conseil de l’Ordre anticipe qu’en 2025, le nombre de médecins généralistes en exercice régulier passera à 81 912. Près d’un quart d’entre eux ont aujourd'hui plus de 60 ans, ce qui laisse entrevoir une accélération des départs dans un futur proche.
En plus de la diminution des effectifs, la profession médicale connaît une transformation dans ses modes d’exercice en 2021 :
- 56,2 % des généralistes exerçaient en libéral exclusivement ;
- 37,4 % optaient pour le salariat ;
- 6,4 % pour un exercice mixte.
Ce glissement, de la médecine libérale vers des pratiques salariales ou mixtes, modifie aussi l’organisation des soins.
Le numerus clausus : un facteur déterminant
Instauré en 1972 pour réguler le nombre de médecins, le numerus clausus (soit le nombre d’étudiants en médecine accédant à la deuxième année) a drastiquement réduit la formation de nouveaux praticiens, entraînant une division par 2,4 du nombre de médecins diplômés entre 1972 et 1992. L’impact de cette régulation s’est fait sentir à partir des années 2000, au moment où les cohortes d’étudiants formés dans les années 1990 entraient dans la vie active.
Malgré l’abolition du numerus clausus en 2020, ses effets se feront encore sentir pendant de nombreuses années, compte tenu du temps nécessaire pour former un médecin, estimé à dix ans. Le manque de prévoyance dans l’augmentation des quotas de formation dès les années 1990 explique en partie l’ampleur des déserts médicaux actuels, affectant désormais près de 87 % de la population française et compliquant l’accès aux soins pour de nombreuses personnes.
Eric Camus